Le centre de recherche sur l’utopie poursuivra le séminaire pluridisciplinaire pour le deuxième semestre 2014/2015.
Mardi 3 février de 17 à 19h en salle M.019 Gabriel Périès : Etat d’exception : Etat utopique
« Dans le cadre de ce travail, il s’agit de tenter une articulation entre l’esthétique et l’analyse politicologique en abordant la question des relations unissant l’état d’exception, l’Etat et l’utopie.
Sur le plan méthodologique il s’agira, sur la base d’une démarche webero-foucaldienne relative aux notions d’Etat et de dispositif, d’aborder la thématique de la structuration de l’Etat à partir des pratiques spécifiques sur les corps, dans le contexte normatif de l’état d’exception. Ce sont les témoignages des survivants et des pratiques répressives propres aux Centres Clandestins de Détention (CCD) en Argentine dans les années « de plomb » qui en constitueront le corpus de base. Les différents blocs de normativité relevant de l’expression juridique et doctrinale de l’exceptionnalité de certains pays seront également sollicités, qu’ils soient européens, nord-américains, sud-américains ou africains.
Cette recherche se veut expérimentale sur deux points :
Premièrement, l’approche se fera sur la base de la dimension esthétique que renferment les témoignages des survivants. En effet, il s’agira de les interpréter/articuler à la lumière d’œuvres spécifiques comme celle de Sade, Kafka, Camus, Pasolini, … . Cette bibliographie qui servira de trame herméneutique et esthétique n’est pas close pour le moment ; cependant, elle revoie à un critère spécifique de sélection : celui que renferme l’approche méthodologique de Barthes dans Sade, Fourier, Loyola (Seuil, 1971) lorsqu’il définit la notion d’utopie. Evidemment, Walter Benjamin ne se tiendra pas trop éloigné… Il s’agira alors de saisir les dimensions esthétiques unissant le corps et l’espace territorial, social et politique — ¬utopique — du CCD (Pilar Calveiro, Pouvoir et disparition, La Fabrique, 2006 pour l’édition française) au sein duquel s’expriment les modes spécifiques ¬de domination propre à l’état d’exception comme la pratique ¬de la disparition forcée (A. Brossat, J-L Déotte (dir.), La mort dissoute, L’Harmattan, 2002).
Deuxièmement, dans cette perspective, cette notion d’utopie, qui reposera également sur un renversement des textes de Foucault Le corps utopique, Les hétérotopies (1966), concernera le champ de l’analyse socio-politique des blocs de normativité et les technologies¬— les teknê-logoï — spécifiques à l’état d’exception : doctrines de sécurité nationale militaires, policières ou juridiques dites « doctrines pénales de l’ennemi »…, champs abordé à travers les concepts d’Etat terroriste et de parallélisme global, tels qu’ils ont été développés par des chercheurs argentins comme Luis Duhalde, Conte et Mc Donnel, dans les années 1990-2000, ou encore par E. Fraenkel dans The Dual State (1941). Ceci permet de travailler sur la structuration socio-historique de l’Etat à partir de la définition weberienne et des apports conceptuels de Carl Schmitt dans ses travaux en tant qu’acteur et théoricien de la dictature et de l’état d’exception avant, pendant et après la période nazie, c’est-à-dire pendant la Guerre froide ; ce qui ouvre la porte sur l’autre dimension de l’utopie : sa dimension étatique normative (Kelsen, Théorie générale des normes, PUF, 1996) ; et permet de déboucher sur l’analyse de la thématique proposée : celle de l’état d’exception en tant qu’expression de l’Etat structurellement utopique et comme dispositif d’application de la violence sur les corps, tant sur un plan pratique que symbolique. Dispositif instituant sa souveraineté. »
Mardi 3 mars de 17 à 19h en salle M.019 Martin Deleixhe : Démocratiser la démocratie par son bord : une frontière de l’utopie ?
La démocratie, en tant que régime politique, oscille entre institution et idéal. Bien qu’elle ne puisse se résumer à son agencement institutionnel, elle ne peut non plus en faire totalement l’économie. C’est donc au sein d’un cadre qui lui pré-existe que l’exigence de démocratie sourde et c’est contre les obstacles à a sa propre démocratisation que ses revendications s’arc-boutent. Si la démocratie entretient une relation à l’utopie, il nous semble que c’est donc du côté ce mouvement de dépassement de ses propres limitations qu’elle est à chercher. Partant de ce postulat d’une relance permanente du mouvement de la démocratie par une exigence utopique, j’aimerais voir comment celle-ci se heurte à l’heure actuelle sur une institution nécessaire mais problématique des démocraties : leur frontière. Si la démocratie se conçoit difficilement en dehors d’une délimitation du cercle de ses participants, sa démocratisation semble pourtant devoir passer par une relativisation des effets exclusifs et inégalitaires de cette dernière. Le propre de la pensée utopique étant de se livrer volontiers à l’exercice de l’imagination politique et de la créativité institutionnelle, nous aimerions concevoir l’espace d’un instant l’utopie d’une démocratie qui chercherait à démocratiser ses frontières.
Mardi 17 mars de 17 à 19h en salle 870 Laurent Loty : Utopie constituante
Nous avons besoin d’imagination politique et juridique. Avec Utopia, More invente en 1516 une stratégie textuelle qui invite à critiquer la réalité et à délibérer sur la présentation d’un monde fictif meilleur. C’est contre ces effets potentiels que Leibniz ou Mandeville, partisans de l’optimisme (Dieu a créé le meilleur des mondes possibles), inventent le nom commun « utopie » en 1705-1710, avec le sens de rêve impossible. L’acception de ces précurseurs de l’ultralibéralisme est reprise par le marxiste Engels en 1880, tandis qu’au 20e siècle, la focalisation sur le communisme et l’hyperspécialisation universitaire contribuent à occulter les forces libératrices des fictions utopiques. Reste à choisir des formes d’écriture bénéfiques : croyance distanciée et méliorisme plutôt qu’espérance d’un Paradis, dialogisme plutôt qu’autoritarisme, et ouverture à la délibération et à la rédaction collectives de textes constitutionnels.
Mardi 31 mars de 17 à 19h en salle 870 Stéphanie Roza : Comment l’utopie est devenue un programme politique : du roman à la Révolution (1755-1797)
« Je présenterai les résultats d’une longue investigation, suscitée au départ par les propos de Gracchus Babeuf à la barre du tribunal qui allait le condamner à mort pour conjuration égalitariste, en 1797. Le tribun du peuple se réclame de trois prédécesseurs, dont deux utopistes : Morelly, Mably et Rousseau. Faut-il prendre Babeuf au mot ? L’utopie devait-elle vraiment plaider coupable ? J’essaierai de justifier ma réponse positive à cette question. »
Mardi 7 avril de 17 à 19h en salle M.019 Christophe David : Yona Friedman. Des utopies réalisables à l’autoplanification architecturale
L’architecte Yona Friedman est un théoricien et un praticien de l’utopie d’aujourd’hui. Il pense l’utopie comme une réponse collective à l’insatisfaction dans un monde qu’il voit aller vers une pauvreté croissante. Que l’utopie soit réalisable, il n’en doute pas. C’est ce qu’il explique à l’« homme de la rue » dans des textes écrits avec une grande clarté qu’accompagnent de délicats plans et schémas. Mais ce n’est pas tout : c’est aussi par l’utopie que passe, selon lui, la survie de l’espèce humaine dans ce monde en voie de paupérisation. Friedman ne se demande pas si l’utopie est possible, il affirme qu’elle est nécessaire. Elle prend alors le visage d’une architecture sans architectes où la décision revient en dernière instance aux habitants.
Mardi 5 mai de 17 à 19h Philippe Aigrain : Utopie et nouvelles technologies
Mardi 23 juin de 14 à 16h en salle M.019 Lucie Rey : Le projet d’une constitution démocratique et sociale, présentée à l’Assemblée nationale par le citoyen Pierre Leroux en 1848
Le centre de recherche sur l’utopie, l’Archipel des devenirs, organise son premier séminaire pluridisciplinaire sur l’utopie le premier semestre 2014 à l’Université Paris-Diderot Paris 7.
Programme 1er semestre
Mardi 28 octobre, 17h-19h, salle 115, bâtiment Olympe de Gouges : Séance de présentation du centre de recherche, les perspectives proposées sur l’utopie, et l’importance de réinvestir une notion de l’utopie aujourd’hui.
— Introduction sur la motivation derrière le centre, sur les activités de recherche, et sur la perspective particulière proposée pour travailler la question de l’utopie et l’importance de cette recherche aujourd’hui.
— Quatre membres du centre interviennent chacun brièvement sur l’essentiel de son intérêt personnel pour la question de l’utopie : Alice Carabédian, Manuel Cervera-Marzal, Anders Fjeld et Camille Louis.
— Discussion ouverte sur les thèmes évoqués.
Mardi 18 novembre, 17h-19h, salle 131, bâtiment Olympe de Gouges : Fabrice Flipo : Utopie et politiques de l’Un : qu’est-ce que le totalitarisme ?
Mardi 9 décembre, 18h30-20h30 : Marie Cuillerai : Économie et Utopie
Comité d’organisation : Alice Carabédian, Manuel Cervera-Marzal, Anders Fjeld, Camille Louis, Etienne Tassin.